31 janv. 2017

Lecture: Juste la fin du monde



Jean-Luc Lagarce
Les solitaires intempestifs
Collection Classiques Contemporains
142 pages (86 pour la pièce elle-même)
7,50 €
Théâtre Moderne, Famille

Le fils retourne dans sa famille pour l'informer de sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles dans le cercle familial où l'on se dit l'amour que l'on se porte à travers d'éternelles querelles. de cette visite qu'il voulait définitive, le fils repartira sans avoir rien dit.


En octobre dernier, je suis allé voir l'adaptation cinématographique de Xavier Dolan, et j'ai adoré. Quelques jours plus tard j'ai appris l'origine de la pièce de théâtre... par ma prof de français qui nous la faisait acheter mais "surtout pas lire". Au retour des vacances de Noël, nous avons donc commencer à l'étudier, en comparant les lectures analytiques avec les mises en scènes de François Berreur et Michel Raskine. Puis, ma mère ayant découvert que la pièce se jouait, nous sommes allé la voir vendredi dernier, mise en scène par Bertrand Marcos. Plongée dans Erasme, je n'avais toujours pas lu le texte; c'est maintenant chose faite.

Que dire ? La première fois que j'ai lu le prologue, j'ai senti que quelque chose se dégageait du texte, qui m'a presque mis les larmes aux yeux (un peu comme quand j'ai lu le premier chapitre d'Aristote et Dante). J'ai lu quelques scènes en cours ensuite. Puis j'ai relu la pièce, après l'avoir vue sur scène. Et j'ai à nouveau ressenti cette impression d'urgence et de douleur.
La pièce est découpée en trois parties : une "première partie" (ouh, comme c'est étonnant), laquelle débute par un prologue, un "intermède", et une "deuxième partie", qui se termine par un épilogue. Si quelques scènes, les plus courtes, réunissent toute la famille, la plupart sont des monologues, ou des "quasi-monologue" (une personne parle et s'adresse à quelqu'un sans que celle-ci ne réagisse).
C'est hyper violent en fait. Je ne m'y attendais pas à ce point. Il y a aussi énormément de rancœur, de non-dits; la difficulté à dire est impressionnante. Les personnages passent leur temps à corriger leurs phrases, à remplacer un mot pour un autre, à hésiter, revenir en arrière; mais la tension est toujours présente et ce n'est pas agaçant ni lassant comme ça aurait pu être le cas.
Le texte est extrêmement beau et (car?) vrai. Mon livre est couvert de post-it, repères des citations; dans certains textes je me retrouve ou je retrouve d'autres textes, des chansons.

J'ai trouvé la mise en scène de Bertrand Marcos, celle que j'ai vue donc, très pertinente et plus pertinente que celle de François Berreur, que j'ai vue par extraits de captations (ce qui n'est peut-être pas idéal non plus). Le décor était très simple, murs et sol noirs, un canapé gris, légèrement incliné, côté jardin, et une porte derrière ce canapé. Parfois, un micro à la même hauteur que le canapé, mais côté cour.
Il y a notamment une scène, la scène 10 de la première partie, dont la mise en scène était à couper le souffle. C'est un monologue de Louis, il était seul sur scène et parlait devant le micro, avec un débit assez rapide. Progressivement est venue une musique que je ne sais pas décrire, à la fois faisant penser à du classique et  en même temps assez moderne. Des pulsations se sont rajoutées; l'ensemble donnait un effet de rap (ou de slam, je n'y connais rien ^^) saisissant, d'autant plus que le texte est particulièrement dur et beau.

Juste la fin du monde, en tant que texte, a été un coup de cœur. En tant que mise en scène, un coup de cœur peut-être plus grand encore, et en tant que film, je l'ai beaucoup aimé (et d'une certaine manière je comprends que ma prof trouve que le film est "une trahison" (même si je ne partage pas son point de vue)).

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