Dernière lettre d’une inconnue
« Mon bien-aimé, mon amour,
Mon enfant est mort maintenant il y a trois jours. Les
hommes en noir sont venus, et l’ont emporté, lui, mon enfant –notre enfant. Je
suis seule, sans lui, sans ses petites mains, sans ses grands yeux noirs
pétillants d’intelligence. Je voudrais le pleurer, mon amour, mon tout-petit,
mais je n’ai plus de larmes, toutes ont été versées pour toi.
Tu te demandes sûrement pourquoi je suis vivante, puisque tu
as reçu ma lettre, mon roman, ma vie, et puisque je suis vivante, pourquoi il y
a deux jours le vae était-il vide ?
Tout d’abord tu dois savoir que je me suis ruinée ces
derniers jours au chevet de mon fils. Les médecins, les médecines, les prêtres,
le cercueil, les fleurs, il lui fallait et il lui faut le meilleur. Je n’ai
plus un sou et je n’en aurai plus ; j’ai renié mes amants ; cette
lettre que je t’ai écrite m’a toute à la fois libérée et culpabilisée, dégoûtée
de moi-même. Oui je ne me vendrai plus ; je n’en ai plus la force.
Plus de force, plus de courage : il m’a manqué pour
écrire à mes proches, mais quels proches ? aux personnes qui me
découvriront les instructions.
La grippe a tardé, et ce qui tarde maintenant c’est la mort,
la libération, la délivrance de pouvoir rejoindre mon enfant.
Cette lettre sera, cette fois-ci, réellement la dernière,
car je n’ai plus ni papier, ni encre, juste la corde à me glisser autour du
coup puisque la faucheuse me repousse.
Adieu, mon bel amour,
Et n’oublie pas tes fleurs… »
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