Nous étions à Marseille. Louison secoua ses cheveux d'or en riant. Moi, je la regardais tristement.
"-Allez, fais pas cette tête, me dit-elle, sourit, un peu!
Je tentai un sourire médiocre.C'était son anniversaire et pourtant je n'arrivais pas à me réjouir.
-Un bon copain se doit de se réjouïr lors de l'anniversaire d'une amie!
Un bon copain? C'est tout? Je pris mon courage à deux mains et articulai:
-Louison, écoutes, je... Il faut que je te parles.
-Eh bien, vas-y, je t'écoute!
-En fait je... c'est à dire que... c'est difficile...
-Quoi, qu'est-ce qu'il y a? s'enquit-elle soudain devant mon air grave.C'est mon père, c'est ça? Il est mort? En prison?
-Non non, ça n'a rien avoir avec ton père.
-Mais qu'est-ce qu'il se passe alors? Tu me fais peur!
-Voilà, en fait ça fait des années que je t'...
-Jeremy! Louison! Où êtes-vous? C'est l'heure des cadeaux! cria à travers le parc le mère de Louison.
-Il faut qu'on y aille, tu me diras tout à l'heure, prononça-t-elle doucement.
J'acquiesçai, et nous partîmes retrouver les autres.
-Ouh, les amoureux! s'exclama Sylvine, une amie de Louison.
Je rougis, mais Louison garda son calme et déclara avec flegme :
-Pff, n'importe quoi! Si on sortait ensemble, on vous l'aurais dit!
Ses amis rirent.
-Mhh! C'est pour qui le bon gâteau aux abricots? fit-elle en appercevant son dessert préféré exposé sur la table.
Elle ponctua sa phrase d'une mimique gourmande qui fit s'esclaffer les autres. Elle attendit un peu, et cria tout à coup, faisant sursauter les invités:
-Pour moi!
Et elle se passa la langue sur la bouche.
Quelques heures plus tard, dans la chambre où nous dormions tous les deux, me vint
soudain une idée saugrenue. « Et si j’allais l’embrasser ? Là,
maintenant, pendant qu’elle dort ? »
Habituellement, quand j’ai quelque chose dans la tête,
j’envoie un texto à Zamvir, mon meilleur ami. Mais là, il était trois heures du
matin, et je n’étais pas sur d’avoir une réponse tout de suite.
D’un côté, c’était très tentant, mais de l’autre, j’avais
peur qu’elle se réveille. « Merde, pensais-je. Pour une fois que j’ai
l’occasion de l’embrasser, il faut que je sois assailli par des
doutes !! » Je repoussai alors ma couverture, me levai et me dirigeai
droit sur elle.
-Qu’est-ce
que tu fais ? demanda une voix ensommeillée. Tu ne dors pas ?
-Non, j’allais prendre un livre.
Je fis ce que j’avais dit, et fis semblant de lire, tout en
me détestant de n’avoir pas eu la franchise de lui avouer mon véritable
objectif : sa bouche.
-T’es beau quand tu lis, murmura-t-elle soudain.
Heureusement qu’il faisait noir ! Elle aurait pu voir
mes joues écarlates...
-Tu veux pas lire à voix haute ? demanda-t-elle
Vite, vite, un début de paragraphe ! Je mis au moins
trente secondes pour trouver ce que je cherchais.
-Hum hum. Vladimir descendait le long de la route lorsque
soudain apparut
-Tu lisais pas, hein.
-Non.
-Tu réfléchissais, et tu sais quoi ? Je parie que tu
pensai à moi.
Je lui aurais mis des claques. Le pire, c’est que c’était
vrai. J’éteignis la lampe, posai mon livre et me tournai contre le mur.
-Aller, fais pas la tronche !!
Silence.
-Jerem’, sois cool ! T’es chiant là !
Silence, de plus en plus lourd. J’avais envie de
l’étrangler. Seule me retenait la pensée que ce serait moins agréable de
l’embrasser une fois qu’elle serait morte. « C’est beau l’amour »,
aurait dit mon frère.
-T’es pas sympa, pesta-t-elle.
Une demi-heure plus tard, nous dormions tous les deux.
Le lendemain matin,
au petit-déjeuner, véronique, la mère de Louison, posa la question
rituelle :
-Alors, vous avez bien dormi ?
-Oui, ça va, déclara Louison.
J’étais en train de boire mon chocolat.
-Si on exclu le fait que j’ai failli me faire embrasser,
ajouta-t-elle malicieusement.
Véronique me regarda bizarrement pendant que je m’étouffais
à moitié.
-kof kof kof*. Je
voulais pas t’embrasser !
-Ah oui, c’est vrai, tu allais prendre un livre...
Elle m’énerve, mais elle m’énerve !
Les jours
passèrent, et bientôt ce fut la fin des vacances. Il fallu rentrer à Paris. Je
n’avais toujours pas trouvé le courage pour lui dire que je l’aimais. Assis
dans le train du retour, entre la fenêtre et Véronique, je me demandais si un
jour elle le saurait. Louison était en face de moi, et je me mis à la
contempler.
Elle avait des
cheveux d’or, de la couleur du blé qui mûrit dans les champs. DE grands yeux
noisette, qui trahissaient sa curiosité, étaient sous ses sourcils fins. Quand
on descendait, on voyait son petit nez pointu et impertinent, juste au dessus
de sa bouche vermeille. De ses oreilles pendaient deux belles boucles
d’oreilles azur, qui s’accordaient parfaitement avec sa tenue : un petit
foulard blanc, une marinière bleu foncé et un pantacourt indigo.
- Pourquoi tu me fixes comme ça ?demanda t elle
soudain.
Pris en flagrant délit d’adoration, je rougis, et parti aux
toilettes dissimuler mon trouble.
Quand je revins,
Véronique me regardait bizarrement.
- Viens, allons en voiture-bar, proposa Louison.
J’acceptais et la suivis. Je commençai à être mal à l’aise,
dans ce wagon, avec le regard pesant de sa mère.
- Toi, tu as quelque chose à me dire mais tu n’oses pas,
dit-elle tranquillement, en sirotant son jus d’orange.
- Non, enfin, si, voilà je... ;
La sonnerie de son téléphone m’interrompit. Elle
décrocha :
- Ah, tiens, salut Clara, deux secondes s’il te plait.
Puis, se tournant vers moi :
- A propos, tins (elle griffonna quelque chose sur un bout
de papier) voilà mon num. t’as qu’à m’envoyer un SMS !
Et elle repartie dans
sa conversation.
Une fois chez moi,
dans ma chambre, je composais son numéro. Mais comment lui dire ? Faire
une déclaration d’amour, une vraie, poétique et tout ? ou juste lui écrire
« Je t’aime » ? En langage SMS ou bien orthographié ? Ne
sachant que faire je me résolu à demander à Zamvir. Il m’envoya aussitôt des
conseils avisés. Je fis ce qu’il me conseillait, et bientôt Louison était au
courant. Je n’arrivais pas à croire que ça avait été aussi facile ! Nous convîmes,
elle et moi, qu’il fallait qu’on se voit. Je lui proposais le mercredi
après-midi suivant. 3 J’ai cours, écrit-elle, mais le samedi, c’est bon ».
Zut. C’étai moi qui avait cours le samedi.
« Peux pas, mais le dimanche c’est bon », lui écrivis-je.
« Impossible, dimanche j’ai messe et repas dominical avec les
ancêtres ». Argh. C’était un vrai casse-tête. Mon dernier recours était
Zamvir. Une demie heure plus tard je reçu sa réponse : »dsl gt entr1
2 manG mè tkt ta ka séché lé cour du samdi !! » Sécher les
cours !? C’était ça, sa solution ?! Mais je n’avais pas le
choix : je m’y résolus donc.
Une semaine plus tard, nous sortions ensemble. Elle me priait de plus en plus souvent de chercher des informations sur son père, qui les avait abandonnées sa mère et elle, à sa naissance. Mais j’avais beau fouiné, je n’avais pas le moindre indice.
Une semaine plus tard, nous sortions ensemble. Elle me priait de plus en plus souvent de chercher des informations sur son père, qui les avait abandonnées sa mère et elle, à sa naissance. Mais j’avais beau fouiné, je n’avais pas le moindre indice.
Les semaines passèrent.
Un jour, par hasard, je tombais sur le nom du père de Louison. Mais c’étai
impossible ! C’était fou ! Il devait forcément y avoir une
erreur ! Sur l’écran était inscrit : « Olivier O’Hara, père de
Louison Bena, avec Véronique Bena. Père aussi de Jérémy O’Hara, avec Isabelle
O’Hara ». Louison et moi, frère et sœur ? C’était insensé....
Le lendemain
j’allai à la sortie de son lycée, et , l’entraînant à l’écart, je lui
annonçai avec difficulté :
- Je casse.
- Quoi ! Mais qu’est-ce quoi te prends ?
s’exclama-t-elle.
- Je peux pas te le dire.
- Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
- Ca n’a rien à voir avec toi.
- Embrasse-moi une dernière fois.
Je l’embrassai.
- Ce n’étai pas un baiser d’adieu, ça....
- Il faut bien pourtant, déclarai-je avec le plus de
froideur possible.
Et je tournai les talons.
Plus tard dans la
soirée, je réalisai que la mère de Louison était au courant, et que c’était
pour cela qu’elle me jetait des regards étranges.
Je reçu un texto de Louison : « Si tu peux pas me
dire pourquoi tu as cassé, écris-le au moins ! » C’était une bonne
idée aussi j’allai chercher un bristol, sur lequel j’inscrivis « Olivier
O’Hara ». ET pour ne pas prêter à confusion, je précisai sur l’enveloppe :
« Ton Père ».
Je n’avais pas trouvé le courage de lui remettre l’enveloppe
quand les vacances d’été arrivèrent. Nous devions les passer ensemble, dans le
sud, je trouverai bien un moyen. Et effectivement, le lendemain, Louison proposa
que nous allions nous balader tous les deux. Je pris l’enveloppe, et c’est avec
beaucoup d’appréhension que j’entamais la ballade. Nous fîmes une pose près de
la falaise. Elle tombait à pic, c’était vertigineux. Timide, je donnai l’enveloppe
à Louison, et elle s’approcha du rebord pour la lire. Mais sous le choc de la révélation, elle trébucha en arrière. Je voulais hurler,
l’aider, mais mes membres ne m’obéissaient plus. Alors commença sa longue
chute, et je sus que son cri perçant retentirait durant de longues années dans
mes oreilles. Puis elle retomba lourdement sur le sol. Le mistral balaya ses
longs cheveux entremêles. Elle ferma doucement les yeux. Une larme coula le
long de sa joue, allant s’écraser sur le sol. Son corps fut tressailli de violents
tremblements et elle hoqueta de douleur.
Puis tout s’arrêta. Elle cessa de respirer et son cœur stoppa son lent battement. Elle avait quitté ma vie. Elle avait quitté sa vie. Elle était morte.
Heureuse…
Puis le mistral balaya la plaine, emportant les quelques souvenirs que j’avais d’elle.
Puis tout s’arrêta. Elle cessa de respirer et son cœur stoppa son lent battement. Elle avait quitté ma vie. Elle avait quitté sa vie. Elle était morte.
Heureuse…
Puis le mistral balaya la plaine, emportant les quelques souvenirs que j’avais d’elle.
*Je ne savais pas trop comment transcrire la toux.
C'est juste magnifique et à la fois triste Felicitation!!! :) continue dans cette voie
RépondreSupprimerj'ai hâte d'avoir donc le début!!!
RépondreSupprimerbonne continuation!
merci beaucoup à tous les deux, le début est en ligne!!
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